YOGA SHALA – Utthita Trikoṇāsana – le triangle étendu

Nous vous souhaitons une agréable et intense pratique d’Utthita Trikoṇāsana – le triangle étendu. Comprenez cependant qu’un tutoriel en images ne remplace en aucun cas le travail sous la guidance d’un enseignant de yoga expérimenté qui saura vous amener dans le vivant de la posture pour votre propre corps, unique.

Posture debout incontournable dans la plupart des cours de yogas posturaux, elle sait mettre en lumière de très nombreux aspects des possibilités du corps du pratiquant ou de la pratiquante : l’état des jambes (alignement, tonicité), la mobilité des hanches, les éventuelles compensations dont le dos souvent, souffre. En bout de chaîne, le placement de la nuque viendra témoigner de la justesse de la posture, ou au contraire du fait que le corps est tout simplement en train de se désaxer encore plus. Comme tout outil, le triangle peut devenir un tremplin vers de la connaissance lumineuse, ou produire l’effet inverse.

Premier essai chez cette élève débutante. Les pieds n’étant pas positionnés correctement, il est difficile d’aller plus loin…

Commençons par les fondations : le pied arrière (à droite sur la photo) est placé avec le talon qui ne ressort pas suffisamment pour permettre un travail d’appui correct au sol. On voit à l’image que le poids du corps migre sur l’avant-pied et commence à déformer la ligne du gros orteil. Le replacer aurait de nombreux bénéfices, parmi lesquels un positionnement plus juste de la jambe arrière dont le fémur ferait alors une légère rotation vers l’extérieur et placerait le genou en mettant fin à toute pression inutile à l’intérieur de celui-ci. Est bien visible à l’image l’effondrement de la voûte plantaire côté gauche, qui se trouve hélas cultivée par cette installation. Du côté du pied avant (à gauche sur l’image), celui-ci n’est pas non plus placé dans son axe, c’est-à-dire pas suffisamment ouvert vers le côté. De ce fait, la tête du fémur droit ne peut pas amorcer sa rotation vers l’extérieur au maximum de ses possibilités – ce qui permettrait pourtant d’entretenir la hanche – et il y a un risque que l’intérieur du genou souffre de la situation également. Les jambes ne travaillant pas correctement en tonicité pour se repousser du sol, le thorax est effondré, fermé et considérablement raccourci côté droit. Le poumon droit est écrasé. L’élève tire à tout prix sur son cou pour monter son regard, se pinçant la nuque au passage. La respiration est fortement entravée dans cette configuration. Tout le corps se retrouve en tension.

Deuxième essai chez cette élève débutante. Malgré un placement correct des pieds, les jambes pliées empêchent de déployer l’action des jambes…

On sent que cette élève a été guidée pour placer ses pieds, et cela pourrait donc permettre un début de posture. Malheureusement, les genoux sont micro-fléchis – ceci pouvant avoir plusieurs causes : le manque d’étirement de la chaîne arrière du corps du fait de stations assises prolongées, aggravées par des sports type course à pieds sans étirements efficaces par ailleurs. Les jambes restant constamment pliées, c’est tout l’édifice qui s’affaisse et la bascule du bassin que nous allons aborder par la suite est rendue impossible. Une sangle blanche a été placée pour matérialiser l’emplacement de la charnière des hanches. On voit clairement à l’image qu’aucun roulage du bassin n’intervient qui permettrait sa translation (ici ce serait vers la droite) et donc un dépliage latéral de la colonne vertébrale sans y exercer de contrainte. La posture est comme « morte », et ce dès le démarrage. L’élève continue de porter le poids de sa tête en mettant son cou sous tension.

L’enseignant a cru bon de placer un bloc sous la main au sol. Hélas, il/elle n’a pas appris à l’élève comment l’utiliser efficacement. La posture s’aggrave.

Les blocs de yoga sont aujourd’hui monnaie courante. Hélas, employés sans compréhension profonde des actions recherchées dans l’intérieur du corps, ils se révèlent au mieux inutiles, au pire contre-productifs. Nous nous inscrivons ici dans le respect des enseignements posturaux issus de la tradition de B.K.S Iyengar et de ses élèves. Dans cette perspective le matériel est outil de conscience, ou n’est pas utilisé du tout : son utilisation doit relever d’une connaissance approfondie du corps en mouvement. En l’occurrence ici, l’élève continue d’avoir ses genoux flexum (jambes pliées constamment, ce qui met de la pression excessive dans l’articulation) et aggrave sa situation en n’utilisant pas le bloc comme un appui mais en le frôlant du bout des doigts. Ceci entraîne une cassure du lien entre les cervicales et les dorsales, et un écrasement des organes abdominaux côté droit. La tête pend et nous vous laissons apprécier l’énergie dégagée par le tout…

L’enseignant décide de guider l’élève dans le travail d’étirement des jambes et la bascule du bassin…

L’élève tend enfin ses jambes avec les pieds correctement placés. Par voie de conséquence, le bassin va se déverser sur le côté droit faisant disparaître automatiquement au passage la sangle dans le pli de l’aine externe droite ! Précisément placé, ce matériel permet de vérifier que le « roulage » a bien eu lieu et peut être utilisé en cours collectif comme en pratique personnelle. On est frappé dans la descente de voir comment ce simple changement modifie instantanément l’axe de la colonne vertébrale, ainsi que l’énergie dégagée par la posture. Le ventre subit un changement de forme, mais reste un parallélépipède. Le thorax reste spacieux et la nuque est longue. Tous les éléments du support ostéo-articulaire (corps) sont à présent en place pour favoriser les mouvements du diaphragme et donc la respiration.

L’enseignant propose à l’élève qui a compris la bascule du bassin une première variante avec de la hauteur (chaise). La différence avec les premières photos est frappante…

On est tout de suite saisis par l’énergie globale dégagée par l’installation. Le mouvement semble se déployer dans toutes les directions et l’élève qui était jusque-là dans l’incapacité physique de monter son regard, le fait ici sans aucune compensation dans le dos. L’abdomen est long, le thorax spacieux. Les bras viennent dans la suite logique du travail (de bas en haut) et offrent une dimension supplémentaire dans la posture. La nuque est longue et l’élève est même en capacité de regarder sa main du dessus en ayant un visage ouvert, disponible ! Que de changements en si peu de temps, c’est tout le corps qui paraît plus grand.

L’enseignant propose à présent à cette élève capable d’intégration une progression, en plaçant un bloc sous sa main…

Différence de taille entre la première utilisation qui avait été faite du bloc et celle-ci. Le travail de clarification depuis le sol (pieds, jambes, bassin), puis le travail en hauteur (chaise) a permis à cette élève de si bien intégrer les actions basiques ensemble, que son corps lui permet à présent de descendre plus bas sans tirer sur son dos ! Son obsession : se repousser du sol avec les jambes. Notre attention est attirée par la disparition de la sangle dans le pli de l’aine externe droite et par la longueur du flanc droit qui est relativement conservée. Cependant l’on voit aussi qu’il reste du travail pour continuer à créer de l’espace dans l’abdomen.

L’élève a appris à repousser le bloc au sol sans bloquer son coude, et ceci a pour conséquence un juste travail de la ceinture scapulaire. En conséquence de quoi l’on observe une tenue de tête sans effort, du fait que la liaison soit maintenue entre les vertèbres dorsales et cervicales. La nuque est longue et la tête paraît plus légère…

L’élève peut pratiquer sans bloc en posant la main sur son tibia.

Dès lors et au vu de l’intégration qui a commencé à se faire, l’élève peut choisir de pratiquer selon les jours la posture du triangle étendu avec la hauteur de son choix sous sa main. La main du dessous, qu’elle soit posée sur une chaise, un bloc ou un tibia, continue à servir d’appui pour hisser le thorax.

Le yoga est un art de l’écoute dans l’instant et de ce fait, ne devrait jamais devenir mécanique. Ici, l’on vérifie à l’image que tout l’édifice monte, s’élève du sol dans ce qui transparaît presque à présent comme « sans effort ». L’on aperçoit même un léger sourire se dessiner dans le coin des lèvres, avec un regard clairement dirigé vers la main du dessus.

Nous vous souhaitons une passionnante recherche dans la pratique du triangle étendu.

Prise de photos : Mathilde Roume

Modèle et texte : Flora Trigo

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    • FloraTrigo
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      Bonjour Laëtitia, avec plaisir. Et merci à toi de t’inscrire dans un processus d’apprentissage constant. C’est admirable en sachant l’expérience que tu possèdes déjà. Bien chaleureusement

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