Yoga et liberté

Donc il y avait cette histoire racontée par une enseignante de yoga chevronnée. Un paysan creuse un trou dans son champ à la recherche d’eau. Après un premier trou de profondeur moyenne, il décide de creuser plus loin, toujours à la même profondeur. Puis encore un 3ème. Toujours pas d’eau. Il continue ainsi jusqu’à ce que son champ finisse criblé d’impacts d’obus. Or, s’il avait creusé un peu plus profond sous le 1er trou, il aurait trouvé de l’eau et aurait ainsi gagné un temps précieux. Sans compter qu’il aurait été content de lui, et son champ enfin irrigué.

L’enseignante établit le parallèle avec le fait de multiplier les méthodes de yoga : on ne construit rien, ou pas grand-chose. Voire même parfois, on perd carrément son temps et son argent. Le lundi si le coeur nous en dit, on va pratiquer le yin avec untel, le mardi on se rend à une conférence sur ladite « méditation de pleine conscience », le jeudi on hésite entre l’Iyengar avec untelle ou un autre hatha yoga moins exigeant, le samedi un peu d’ashtanga avec un 3ème car on a une carte illimitée, vive la flexibilité. On se dit que cette flexibilité justement est absolument incroyable, que l’on est gagnant-gagnant-gagnant et tellement libre (peut-être même + que les autres ?) !

Un champ de réflexion s’ouvre. Si le papillonage est l’apanage du mental débutant, il devient problématique lorsqu’il s’installe dans la durée, ne faisant qu’accentuer un schéma mental déjà existant (l’éparpillement). Or il est intéressant de se demander quelle est la racine de cet éparpillement. D’où vient le besoin d’avoir encore + (en quantité), d’avoir goûté à tout, de n’avoir rien manqué dans cette vie ? Ma réponse est : la peur. On est pétri de peur. Or la rencontre avec un enseignant de yoga devrait amener rapidement la lumière sur cette racine. Que crains-tu toi qui t’éparpilles et loues tellement la flexibilité ? Regarde comme cette peur qui te mène t’empêche en fait de t’ancrer dans le moment et dans une lignée de pratique. Regarde comme elle t’empêche d’entrer dans un véritable processus d’apprentissage (et donc de répétition) et d’évoluer vers plus de liberté intérieure.

Malgré leurs différences de personnalité et de parcours, tous les enseignants sérieux entre les mains desquels j’ai confié mon chemin de yoga se rejoignent : la liberté se trouve dans la contrainte que l’on se pose en conscience, certainement pas dans le papillonage. Par exemple, celle de s’engager dans une grande lignée de hatha yoga (ashtanga, Iyengar). Après des années de pratique quotidienne de yoga ashtanga, je me suis risquée à pratiquer une fois par semaine le yoga Iyengar. Les signaux corporels envoyés étant très différents, ça a – d’une certaine manière – perturbé le reste de ma pratique. J’ai mis un an pour intégrer que quand je pratiquais l’un, je faisais d’une certaine manière. Et quand je pratiquais l’autre, je prenais d’autres partis pris. Constat : le niveau de maturité (et de flexibilité mentale) demandé est extrêmement important, il faut savoir exactement ce que l’on fait. Cela demande des années d’expérience profonde et donc quotidienne. Je suis loin d’en avoir fini (euphémisme).

Toi qui as commencé à creuser à la recherche d’une eau qui se fait de plus en plus rare (le parallèle n’est pas anodin avec les enseignements de yoga consistants), et si tu prenais une respiration supplémentaire pour contempler la peur qui te mène et l’accueillir ? Bienvenue en yoga.

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