Le vide aussi, s’explore

Après 10 mois de fermeture / micro-ouvertures de mon centre de yoga, j’ai pris la décision de me retirer à l’intérieur de moi-même pendant quelques semaines. Soyons clairs, cette décision m’est aussi inconnue que celle d’un moineau décidant de conduire un 4×4. On est pareils tous les deux, on n’a pas (encore) le permis. Nous sommes désarmés. Parce que des temps de pause, j’en ai fait plein dans ma vie. Des retraites de yoga en particulier, plein. Mais comme c’était au service de mon travail…ce n’était pas gratuit. Et donc c’était acceptable. Accueillir VRAIMENT l’intensité du vide, sans tourner autour du pot, sans l’avoir gagné ou mérité (LOL « comment se la faire à l’envers »), ce n’est pas du tout mon truc. Pour la bonne lecture de cet article, merci de laisser de côtés les préjugés du type « Han oh my Shiva. Mais pourtant elle enseigne le yoga… » . Les préjugés parlent uniquement de celui/celle qui les émet. Voilà, merci.

Moi, je suis plutôt branchée « remplissage » de toute sorte. Je remplis mon temps d’activités – principalement de travail car je l’adore…c’est là où c’est vicieux – et les quelques fois dans ma vie d’adulte où j’ai dû faire face à une situation de vide, j’ai opéré depuis la même mécanique : je remplis le temps de relations, ou alors si je suis allée très loin niveau fatigue, je me remplis de soin d’un coup. Dans tous les cas, c’est la même énergie derrière…qui remplit. Et aujourd’hui, je décide que je ne suis plus satisfaite avec elle.

L’autre cas de figure que j’ai connu plutôt dans ma jeunesse (sic), consiste en l’extrême opposé, il frise la caricature. Le problème, c’est que ce tableau s’apparentait plus à de la déchéance qu’à du lâcher-prise, et qu’il avait surtout un fort goût d’inertie, en plus d’avoir l’odeur d’une fin de soirée au cannabis. Bilan des courses : ça colle, ça pue et ça ne nourrit pas réellement. (Attention, je ne parle pas ici de ce qui est autorisé à faire ou non sur un ton moralisateur, chacun est libre. J’examine surtout depuis quelle place on construit sa réalité.)

Pour moi jusque-là, le vide soit ça se remplit…soit l’on s’y noie. Tout est mis en place pour ne surtout pas ressentir son intensité de manière directe. Intellectuellement, je pourrais écrire tout un bel article bien léché et théorique sur « le moment présent, faire de l’espace bla bla bla »., mais en fait je préfère écrire depuis ce que je vis et qui s’intègre, peu à peu. Donc c’est hyper inconfortable. J’oscille entre la peur d’être engloutie par le temps enveloppée dans un sweat puant…à des moments où j’ai une idée neuve. J’ai une épiphanie, et puis 10 min après, j’en ai ras-le-c** subitement. Là, ça fait 2 jours que je suis chez moi sans « travail », et j’ai déjà senti plusieurs fois les relous intérieurs me dirent : « mais enfin, imagine si tu regardes une série en pleine journée en semaine…tout ce qui pourrait s’effondrer….c’est très vilain…en plus tu es une mère de famille…». Au final, j’ai été une super dingo et j’ai regardé une série à 10h du matin. Waou. Un lundi. A 12h, rien ne s’était passé de grave et ça m’a même donné des idées pour mon « travail ». Et aucun enfant n’a été impacté négativement par le visionnage de ladite série. Et je ne suis pas non plus tombée dans une spirale pour qu’on me retrouve à 23h sur mon canapé, amorphe. Pas du tout. J’ai pris le temps et la dose de repos et d’inspiration dont j’avais besoin, et je suis très simplement passée à autre chose.

Pour le moment, le vide a un goût absolument insaisissable qui me fait passer par toutes les couleurs de la palette. Mais je sens aussi poindre de l’espace supplémentaire dans de nouveaux endroits à l’intérieur et une fluidité à passer du yin au yang. Comme si un mur s’effaçait entre ces deux grands mouvements au sein de la réalité. Je n’ai plus qu’une hâte, laisser vivre ça dans ma pratique de yoga et surtout : dans ma relation à ma pratique. Car je n’ai pas encore fini mon enquête, mais mon petit doigt me dit déjà qu’il y avait sûrement une aiguille de remplissage cachée dans la botte de foin du yoga.

Et pour vous, c’est un sujet le vide ?

Vous l’abordez comment ?

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  • Ferron
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    Bonsoir Flora, merci pour ce partage courageux durant cette période pas simple… ce que tu évoques dans ton article ne me fait pas penser à du vide, plutôt à une pause, une parenthèse ou un temps en l’air, une suspension, une respiration si j’ose employer ce terme à destination d une maître yogini .. parce que tu n y mets pas rien… parce que tu ne prévois rien, mais que tu ne fais pas rien, ni ne ressent pas rien, ni ne vis pas rien. Le vide serait pour moi apparenter à l’ absence… quelque chose qui dans mon esprit se fige, mais tu es toujours en lien avec tes élèves. La dernière fois que j ai vécu cette expérience, d absence d une activité professionnelle telle qu on peut la concevoir, j ai fait du bénévolat, j ai voyagé et j ai accompli un rêve dans ce voyage, j ai rencontré des personnes déterminantes dans ma vie…. ça a été finalement bien rempli…. nulle doute que tu feras de cette expérience quelque chose de créatif, d inventif et de sérieux, beaucoup de patience et de courage à toi, en ces temps compliqués… carole ( adepte d un dragon qui crache le feu… )

    • FloraTrigo
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      Bonjour Carole, hyper intéressant de voir ton retour car il me fait voir la diversité dans le rapport au vide. Merci !

  • Gwladys
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    Chère Flora , il me vient cette phrase qui peut bien occuper une vie tout comme le yoga que tu nous enseigne si justement : « Le Tao est vide, jamais l’usage ne le remplit » http://caodaisu.tn.free.fr/dogneriligeux/0,,403,00.html. ça sera un sacré moment de pousser à nouveau la porte de yoyashala, ou plutôt un moment sacré…a bientôt. gwladys

    • FloraTrigo
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      Merci Gwladys. Oui je résonne complètement avec cette citation. Le vide n’a pas bonne presse dans une société anxieuse (il y a un lien LOL), et j’ai la joie de découvrir que c’est un espace de possibles aussi. Source de plein-itude. Désarmant ! J’ai commencé à « voir » le moment où nous réaccueillerons des élèves de yoga. Ça avait encore meilleur goût qu’avant 🙂

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