Nous vous souhaitons une agréable et intense pratique de Paścimottānāsana : l’étirement de toute la partie arrière du corps. Comprenez cependant qu’un tutoriel en images ne remplace en aucun cas le travail sous la guidance d’un enseignant de yoga expérimenté.
Si elle pouvait être considérée comme une des postures accessibles du yoga postural dans la deuxième moitié du XXè siècle (et encore cela dépendait chez qui !), il n’en est plus rien en 2023 et nous allons détailler en quoi. Afin d’être réalisée dans le respect de son support ostéo-articulaire (corps), cette posture de la pince assise – censée être un « étirement intense de toute la partie arrière du corps » – n’est pas devenue mince affaire pour les pratiquants contemporains. En cause ? La perte de l’antéversion naturelle du bassin, en lien direct avec le nombre d’heures passés en station assise bassin rétroversé, c’est-à-dire assis sur l’arrière des os fessiers avec disparition de la cambrure lombaire basse physiologique : au bureau, en transports etc. Mal exécutée, cette posture aggravera à chaque fois la pression excessive déjà mise au quotidien sur les disques lombaires, ce qui pourra conduire à des soucis de hernie discale (S1-L5, L5-L4), ces-derniers advenant à des âges de plus en plus précoces actuellement.
Première prise de posture qui révèle la courtesse des ischio-jambiers. Le bassin bascule en rétroversion et ce n’est qu’en attrapant ses orteils et en tirant fort sur son dos que l’élève se maintient en place.
Bien entendu, réalisée une ou deux fois de cette sorte, le corps garde une belle capacité de résilience et la probabilité de se faire mal restera faible. Si l’élève est en revanche laissée en l’état, voire même prend l’habitude de prendre la posture ainsi, cette probabilité va augmenter jusqu’à ce que le corps pose sa limite en se blessant définitivement, souvent après plusieurs années. On est frappés à l’image par la compensation très visible que le corps choisit de mettre en place : l’hypercyphose dorsale (bosse dans le milieu du dos) qui va de pair avec un effondrement de la poitrine à l’avant et de probables difficultés respiratoires mécaniquement parlant. La rotation des épaules se fait vers l’intérieur, ce qui entraîne un raccourcissement de la nuque. Le ventre est lui aussi court et les organes abdominaux écrasés par la forme et le poids du thorax.
Ici l’enseignant a cru bon de placer un traversin sous les genoux de l’élève. Ce matériel va empêcher définitivement l’élève d’étirer ses ischio-jambiers (genoux fléchis).
On remarquera la similitude de forme du dos entre cette photo et la première. Rien n’a changé fondamentalement, si ce n’est que l’élève descend quelques degrés de plus dans sa flexion de hanche…mais à quel prix ! Le fait de maintenir en hauteur les genoux n’offre aucune piste à cette élève pour travailler l’étirement de l’arrière de ses cuisses (ischio-jambiers). Surélever les genoux va en outre, cultiver la tendance à la rétroversion du bassin, c’est automatique. Cette proposition s’apparente donc plus à un piège qu’à une aide réelle…
Deuxième proposition de l’enseignant, l’élève peut à présent poser le poids de sa tête sur le traversin. Mais là encore, c’est une impasse.
La tête et le bassin sont les structures osseuses les plus lourdes du corps humain. Poser le bassin et la tête induit donc un soulagement temporaire. L’impasse ici vient du fait que cela n’ouvre aucun champ de progression à l’élève qui « tombe » comme un poids mort dans la posture et surtout : n’apprend toujours pas à étirer ses ischio-jambiers. Aux étages supérieurs, on retrouve toujours la bosse dans le milieu du dos à l’arrière, le blocage du diaphragme à l’avant. Aucun changement réel. Il devient impératif de procéder différemment.
L’enseignant décide d’utiliser la gravité en faveur du corps de son élève en plaçant finalement son bassin en hauteur.
En faisant asseoir l’élève sur le bord d’une chaise, talons fixes au sol, la gravité va maintenir bien plus facilement le bassin dans son antéversion naturelle, os pubien dirigé vers le bas. L’élève se retrouve alors assise sur l’avant de ses os fessiers, et non plus sur leur partie arrière. À partir de là, on voit clairement à l’image comment l’arc vertébral se retrouve libéré par l’installation, avec le rétablissement de la cambrure lombaire basse qui réapparaît et la nuque qui va pouvoir retrouver sa longueur (pour le moment, la tête est bien trop projetée en avant, du fait des habitudes antérieures. Il faudra un temps de réajustement). L’élève a positionné un bloc devant sa poitrine, qu’elle utilisera durant son mouvement de descente. Le point de départ est le bon, cette fois-ci en avant !
L’élève a amorcé sa descente en se repoussant du sol avec ses talons, elle travaille activement l’étirement de ses ischio-jambiers et amène le bloc vers l’avant comme une offrande.
La descente est très active, l’élève a l’action de tirer l’avant des cuisses vers elle (quadriceps), de se repousser du sol avec ses talons pour amener un maximum de flexion dans les hanches qui sont, rappelons-le la charnière principale du corps et qui se dégrade lorsque le bassin est en permanence rétroversé. Ici la colonne vertébrale reste spacieuse dans ses différents espaces, ce qui va impacter favorablement les mouvements du diaphragme jusque-là très limités. Le ventre reste long à l’image, les organes abdominaux ne sont plus écrasés par le poids du thorax jadis effondré.
L’élève a posé le bloc au sol devant ses pieds. Les jambes ont été tendues trop vite, ce qui a fait réapparaître (mais de façon moindre) l’hypercyphose dorsale.
L’élève a outrepassé les possibilités de son corps en descendant vite et sur-étire la chaîne postérieure du corps. La nuque est pincée. Il serait intéressant de dire à l’élève de fléchir légèrement ses genoux pour retrouver la liaison entre l’appui du talon et la hanche, puis de travailler plusieurs minutes à déplier correctement ses jambes. Plusieurs minutes, car le corps va avoir besoin de temps pour aller chercher un étirement homogène des ischio-jambiers qu’il ne réalise visiblement jamais. Peu à peu, la bosse dans le dos disparaîtra…le dos n’ayant plus besoin de compenser le manque d’étirement des jambes. La voie de la progression s’ouvre enfin !
L’élève a travaillé plusieurs semaines, plusieurs mois très régulièrement sur chaise et essaie de descendre plus bas sur le sol (2 couvertures sous les fessiers) sauf que…
À l’image, on voit que l’élève n’en est pas à son coup d’essai. Elle a appris à étirer ses ischio-jambiers de façon homogène et active depuis le travail de la chaise. Ici, la flexion de colonne est mieux réalisée dans la partie basse…hélas les bras se positionnent en rotation interne et la nuque est pincée ! L’élève a passé un bâton au-delà de ses pieds et tire le bâton vers elle créant un pied flex, hors ceci ne va pas favoriser la posture (préférer le pied en éversion). Les 2 couvertures placées sous les fessiers ne suffisent pas pour que le corps bénéficie de la gravité.
Voici une zone acceptable dans laquelle l’élève va pouvoir travailler de façon durable et voir des progrès pour apprendre à enfin tendre ses jambes tout en se penchant en avant.
Texte : Flora Trigo
Photo : Mathilde Roume
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Sébastien
Merci pour cette article très bien construit, on se projette dans l’expérience de l' »élève »
FloraTrigo
Avec plaisir, merci du retour Sébastien, je sais que tu es sensible à la pédagogie alors ton avis est précieux !
Muriel
Bravo et merci pour cet article très intéressant et complet. Il nous permet de bien appréhender toutes les étapes et problématiques pour cette posture. Et effectivement, on s’y retrouve beaucoup côté élève.
FloraTrigo
Merci de ton avis Muriel, les recherches continuent pour les chercheurs que nous sommes !
Michael
Très intéressant ! Juste une toute petite chose : il serait top d’avoir les références scientifiques lorsque des chiffres ou faits sont avancés, comme par exemple quand l’article dit parle de « ces-derniers [les soucis de hernies discales] advenant à des âges de plus en plus précoces actuellement ». C’est en tout cas le genre de références que j’aime parcourir pour mieux comprendre un sujet. : )
FloraTrigo
Bonjour Michael, cette phrase est issue de centaines de questionnaires de santé des nouveaux pratiquants de yoga au centre de yoga que je tiens au quotidien, ainsi que d’échanges avec des enseignants plus expérimentés et spécialistes des bilans posturaux. C’est donc basé uniquement sur l’expérience clinique quotidienne. Mais je serais également ravie de découvrir les études de panels qui auraient été faites sur le sujet, simplement je ne suis pas dans un laboratoire de recherche universitaire, mais dans une praxis au plus près des personnes. Ce serait formidable de recouper les deux. Bonnes recherches