La pratique d’un yoga postural bien amené constitue une voie d’entrée royale vers le monde de l’intériorité. Ce-dernier ne demande pas à être théorisé dans l’urgence, l’intériorité existant depuis toujours et ne nous ayant pas attendus pour délivrer ses fruits. Au contraire même, toute tentative de nommer quoi que ce soit, puis d’en faire des montages intellectuels frénétiques se posera systématiquement en obstacle du ressenti et de l’exploration. Autrement dit, commencer une pratique visant à cultiver son intériorité (telle le yoga), demande d’emblée un lâcher-prise au niveau de nos automatismes rationnels. Se taire. Ceci demande un niveau de confiance corporelle, relationnelle, suffisamment éveillé pour accepter ce lâcher-prise. C’est un déconditionnement, une déprogrammation profonde d’une bonne partie de notre éducation ayant survalorisé la brillance intellectuelle et langagière, aux dépens de la présence silencieuse. C’est ce que j’appelle : les limites de la raison.
Dans le silence favorisant l’écoute, la présence se fait sentir délicatement. A-t-on déjà vu une fleur s’ouvrir bruyamment et déranger tous les autres autour par son ouverture ? Je vis cette présence comme le bruit de fond reliant le monde, même lorsque l’on continue de penser les choses éparses, et les phénomènes isolés les uns des autres. Quel rapport avec l’artiste me diriez-vous à ce stade. Et bien, tout. L’artiste étant celui qui avant toute chose, se fait réceptacle. L’humilité qu’il faut. Son travail consistant surtout à cultiver l’écoute, puis à travailler ardemment la mise en forme de ce qui est venu en écoutant. Nous sommes tous des artistes, puisque le même processus est à l’œuvre chez tout être humain vivant, aux prises avec cette même capacité d’écoute. Notre vie, nos relations, nos choix, nos résultats intérieurs, seront en bonne partie enracinés dans la façon dont nous écoutons. Ceci demande de l’espace dédié. Ceci est non-mental.
Hormis l’eau, je vois surtout deux ressources venant de plus en plus à se tarir dans nos sociétés néo-modernes : le temps, et l’espace. Tout ceci est devenu bien organisé d’ailleurs. Hors, pour cheminer progressivement vers une écoute plus fine, les deux seront indispensables. Je vois beaucoup de personnes arriver à leur cours de yoga la coupe pleine qui déborde. Encombrés de mouvements automatiques. Encombrés de paroles qui tournent en boucle sans permettre la reliance à l’autre – oui celui ou celle qui se tient en face de nous là tout de suite. Le sentez-vous ? – reliance qui s’origine uniquement…dans l’écoute. L’écoute n’est pas une posture, haute ou basse (et nous voilà repartis à mentaliser à base d’échelles), c’est un état d’être. C’est donner de l’espace à l’autre et lui ouvrir un champ. C’est silencieux, discret, et donc à l’opposé de toute brillance intellectuelle. Il n’y a rien de connu à quoi se raccrocher. Et ce n’est absolument pas valorisé socialement parlant. Est-il possible de résider confortablement en l’absence de toute validation sociale ? En revanche, contrairement à la brillance intellectuelle qui peut s’avérer créatrice de tension, l’écoute…relâche. Détend. Pardonne. Compassionne. Ouvre. Engendre méditation. Poésie. C’est une façon de parler de ce qu’il est difficile d’expliquer.
Combien d’énergie, de temps, d’investissement est mise chaque jour dans l’écoute ? Et combien est mise dans le remplissage, la validation sociale, l’exécution, le pliage – voire le contorsionnage – à des standards extérieurs ? Je ne dis pas qu’il faille ignorer la réalité extérieure. Je pose les deux questions afin d’avoir une vue la plus claire possible sur la situation. Je n’oppose rien et continue d’expérimenter à quel point toute tension, est généralement l’expression d’une scission intérieure.
Je souhaite une excellente rentrée à tous les artistes, humains, yogis.
À l’écoute.
Xxx Flora
Leave a comment