La pratique du yoga doit se faire de manière quotidienne – très régulière – sur une longue période de temps, et de manière ininterrompue. Telle est la recommandation de base – on remarquera au passage que le yoga est un art exigeant…ou n’est pas du tout. Je le considère pour ma part surtout empreint d’un réalisme salutaire qui coupe court à toute interprétation du mental. Comme l’écrit Vanda Scaravelli, « les dieux ne sont pas tendres avec notre manque de régularité« . Soit on fait sa pratique, soit on ne la fait pas. Point. C’est pragmatique, mesurable, vérifiable. Un an après l’arrivée de mon enfant, les larmes me montent aux yeux à la simple relecture de cette indication. Mon Dieu, c’est tellement vrai et je suis si émue d’avoir retrouvé une pratique quotidienne depuis 2 mois. Quel effort. J’en bave sacrément pour m’y mettre parfois. Mais quelle chance d’avoir du grain à moudre.
Implémenter du yoga dans sa vie a grandement avoir avec le fait de mettre en place une nouvelle routine. C’est concret. J’ai lu une phrase qui disait : « Une routine sans intérêt est facile au démarrage puis devient difficile ensuite ; une routine profitable est difficile à mettre en place au début puis facile par la suite« . Méfions-nous de la facilité et du court terme donc. Instaurer une pratique de yoga dans sa vie, même de manière uniquement hebdomadaire, beaucoup n’y parviennent pas. À l’ère du papillonnage, la capacité de concentration et d’engagement est globalement assez faible. Mais existante. L’expérience me donne à penser qu’un enseignant doit simplement incarner ce qu’il raconte et les élèves viennent. Prêts à mettre le pied à l’étrier et à s’investir. C’est une merveille d’assister à la justice des phénomènes en action. Je m’incline d’humilité chaque jour que je passe au shala (centre de yoga à Rennes).
Quel est la valeur du yoga postural dans ce contexte ? Et bien une de ses forces à mon sens est justement son pragmatisme et son honnêteté. J’observe une tendance chez certains à considérer le yoga postural avec un certain dédain, comme s’il s’agissait d’un champ inférieur au pranayama et à la méditation par exemple. J’observe également l’emploi répandu parmis les thérapeutes en tous genres du mot « intuition », « s’élever » etc. J’en observe aussi un certain nombre qui mettent la clé sous la porte. Il arrive que ce soit les mêmes d’ailleurs. Dans cette ère de renaissance des chamanes (avec plus ou moins de réussite), dérouler son tapis et travailler laborieusement à ouvrir ses plantes de pied peut laisser à penser qu’on perd son temps. Comme si le corps était secondaire et qu’on pouvait s’en passer. Grave erreur et mauvaises intuitions nous attendent au tournant, tel est mon avis. La réalité matérielle ne fait pas de cadeaux quand on est à côté de ses pompes. Par contre, elle nous fait le cadeau de l’honnêteté. Construire des châteaux en Espagne (en pensée) est aisé. Construire un muret dans sa cour ici en France l’est souvent beaucoup moins. Surtout quand on manque de technique, d’expérience et de constance.
Penser que le corps est secondaire, c’est remettre de la séparation là où il n’y a qu’une seule et même chose. Comment peut-on imaginer une seconde avoir des intuitions justes si le véhicule corporel n’est pas au diapason ? Il est notre support, notre base, notre véhicule. Je pense pour ma part qu’il devrait être une de nos priorités. Pas pour son aspect esthétique ou ses performances, mais par la relation que l’on tisse avec lui en yoga. Cette relation, je la vis comme « organique ». Huit années de pratique avaient déjà affuté une partie de ma sensibilité, mais depuis un an et demi, ma pratique a pris une dimension plus difficile à mettre en mots. Plus vive, plus douce et plus affutée en même temps, plus profonde, plus sincère. Mes omoplates contactent le sol, je sens littéralement mon coeur qui vibre, un souvenir douloureux affleure et s’envole, je pleure. Mon corps se gorge des mots justes d’une enseignante expérimentée, il y réagit avant que j’ai le temps d’utiliser mon cerveau. Je l’observe faire, mes os se placent. Il m’enseigne. Intérieurement, je m’incline en permanence. Je suis dans un véhicule de sagesse qui a tout à m’apprendre. Ce que j’appelle « moi », doit juste écouter. Sentir. Je suis émue. En permanence. C’est éprouvant, il me fatigue mais ça donne de la valeur à chaque seconde. On n’a rien sans rien. Une joie indicible m’envahit.
Le talent de l’enseignant de yoga repose sur sa capacité à transmettre ce rapport au corps, organique, vivant. La qualité de la technique est primordiale pour ne pas retomber dans l’imagination. C’est rare et précieux. Le yoga est une science et un art dont l’horizon s’élargit à mesure que l’on avance. Je n’ai jamais été aussi enthousiaste et assoiffée d’apprendre. J’entre dans une nouvelle ère et de là, je vous souhaite sincèrement le meilleur sur votre chemin.
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