Cet article est le fruit d’observations réelles, concrètes, réalisées depuis ma position d’élève et d’enseignante de yoga. La démarche éclairante du yoga invite à envisager d’un œil le plus neuf possible des phénomènes habituels auquel plus personne ne fait attention. Il y a vraiment beaucoup, beaucoup à apprendre. Celui qui voit est riche de ses observations et d’une masse d’informations à côté desquelles il passait à côté avant. Je me questionne, et j’espère que vous aussi ?
J’observe, j’écoute. Des personnes me disent d’un air assuré et entendu qu’elles font du yoga depuis des années. Elles savent de quoi elles parlent, quoi. Et puis, le cours commence et elles ne connaissent pas les salutations au soleil. Ni l’enchaînement, encore moins la synchronisation avec le souffle, ni même le nom des postures. Question : où étaient-elles pendant toutes ses années, que faisaient-elles ? Je ne sais pas. Plus tard à l’issue d’un autre cours, une personne tourbillonnante et avec très peu de concentration me lança même : « Ben de toute façon on le sait, le yoga c’est l’union du corps et de l’esprit hein ?! » Oui…quelque chose comme ça. S’il suffisait simplement de le savoir, de le lire ou de le dire !
J’observe, j’écoute. Je vois des enseignants sûrs d’eux, donner des solutions automatiques et simplistes à des problèmes qui nécessiteraient d’être approfondis, investigués. Le corps – pour ne parler que de lui – est si subtil, si complexe. Au lieu de se poser en chercheurs, ils assènent : « ça c’est comme ça ». Et l’élève, ignorant, obéit, très probablement rassuré par la certitude. A-t-il/elle vraiment compris comment et pourquoi placer son bassin, ses épaules, les bandhas, sent-il quelque chose de différent…rien n’est moins sûr.
J’observe, j’écoute. Je vois des cours en très grand groupe où les élèves pratiquent parfois depuis des années, une respiration tendue, en constriction et se font violence dans des postures sans en avoir conscience…quand la pratique demande tout au contraire de respirer amplement, fluidement PENDANT TOUT LE PROCESSUS, en particulier là où c’est plus difficile. En ressortent-ils plus sages, moins violents vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres ? Entreront-ils vraiment dans les postures où ils bloquent ? Rien n’est moins sûr, en tous cas, pas sans se faire mal. Ils ne progresseront pas extérieurement car le travail intérieur de lâcher-prise (mental, émotionnel, corporel) n’est pas réalisé.
J’observe, j’écoute. Des enseignants de yoga disent avoir été « de très nombreuses fois en Inde ». Plus tard, on apprendra qu’ils y ont passé un mois. Une fois il y a un certain temps, à l’issue de ma première formation à Dharamsala, une enseignante m’a même lancé : « Tu sais, une fois que tu as fait une formation de 200 heures, un stage d’un weekend par an suffit ». Je suis restée interdite. Bête. C’était sa conception, c’était comme si elle me parlait chinois. Ma première formation était excellente certes…mais un peu l’équivalent de la maternelle pour moi. Voilà, je savais tenir mon crayon, mais cela suffisait-il ? Certainement pas.
J’observe, j’écoute. Mais de quoi parle-t-on finalement ? Dans tous ces moments, je reste en général muette, car surprise. J’ai pris l’habitude de ça (passer pour l’imbécile de service !), même si je n’en pense pas moins. J’ose de plus en plus le dire d’ailleurs, l’expérience aidant. Les gens parlent, les gens savent. Et je repense à celui que j’ai choisi comme enseignant, mon « prof principal » en quelque sorte, Lino Miele, presque 30 ans de pratique quotidienne. Assis par terre, il parle simplement : « Talking is easy, doing is very difficult ». Parler est facile, faire est difficile. Autrement dit, qui sera là demain matin à l’avant du tapis à 5h30 alors qu’il/elle a mal partout, c’est ça qui compte.
J’observe, j’écoute. Ce que je sais en revanche, c’est que je vois de plus en plus dans mes cours des élèves motivés, humbles, curieux. Ils ne disent pas savoir quoi que ce soit…mais ils pratiquent. Quand il fait – 5 degrés dehors, ils sont là. Quand je lance une pratique libre un dimanche matin, ils sont là. Quand j’invite un(e) intervenant(e) pour un stage, ils sont là. Parce que savoir avec certitude signe la fin de l’apprentissage, une fermeture, je vous invite au contraire à apprendre, de toute personne et de toute situation. Que la pratique vous soit belle.
Leave a comment