Il n’y a pas de mauvaise chose en soi, ou rarement, mais il existe vraiment des limites à tout. Alors que je centrais mes premiers cours de yoga de la semaine sur le travail autour des 5 éléments (feu, terre, eau, air, espace), à harmoniser en chacun afin que le corps chante juste, j’ai aussi tenté d’éduquer les pratiquants à la prise de conscience de la cuirasse de la performance et de ses effets délétères associés. Pratique-t-on le yoga pour harmoniser corps et esprit ? Mais est-on sûr que cela s’incarne sous nos yeux ? J’aime à le vérifier très régulièrement.
La carapace de la performance (ou du succès) permet de trouver appui pour se construire « par rapport à », notamment dans l’enfance ou l’adolescence. Rendu adulte et ramenée dans un cours de yoga notamment dynamique, cette cuirasse psycho-émotionnelle peut servir un temps de moteur, notamment si l’enseignement est incomplet et ne vient jamais la mettre en lumière. Car toute cuirasse ou carapace, est comme une armure qui alourdit, enferme, et limite l’expression de notre plein potentiel individuel.
L’ignorance serait alors de s’attaquer au mental de la performance…avec le mental lui-même. Notamment en disant « ici nous ne sommes pas dans la performance, détendez-vous, om shanti ». Et de penser que la chose est réglée alors que le travail n’a même pas démarré en réalité ! C’est à cet endroit que, de mon point de vue, le yoga postural de masse ne pourra absolument rien pour vous. Je le définirais ainsi : une pratique en groupe, sans utilisation de matériel (en 2023) et sans dialogue profond avec l’enseignant ou les co-pratiquants. Dans cette approche hors-sol, aucune limite n’est confrontée et je dois dire que ça nous fout la paix un temps, notamment dans cette société néomoderne où donner son opinion sur tout passe parfois pour un signe d’intelligence. Un peu de consensualité, ce n’est pas si désagréable de prime abord, c’est vrai ça détend. En revanche, le groupe ne permet pas une approche suffisamment individualisée, l’absence de matériel ne permet pas de travail correct avec les corps actuels, et l’absence de discussion de fond avec l’enseignant ou les co-pratiquants – hors contenu mondain, « c’est formidable, j’aime, elle est si solaire… », oui mais à part ça…. – ne permet pas d’ouvrir au tricotage intérieur que la pratique du yoga doit venir nourrir.
Mais si je ne performe plus, qui suis-je ? ….Et bien, nous n’en savons encore rien justement. Est-ce que cela te pose un problème de ne pas savoir pendant un temps ? Quelques jours, quelques semaines. Se vivre plus vaste que ses croyances initiales ne le laissaient penser, cela se mérite d’une certaine façon. Il faut en avoir sous la ceinture, pardonnez-moi l’expression, pour accepter l’étape concernée. Mais le rôle de l’enseignant est-il d’encourager l’illusion et les fonctionnements passés déjà cramoisis, ou bien de pointer un élargissement du champ des possibilités ? Et l’on en arrive inéluctablement à la question de savoir si l’enseignant lui-même ou elle-même a pu se délester de cette cuirasse ? Comment transmettre ce que l’on n’a pas intégré ?
En ce sens, je pense que l’enseignement peut être une véritable praxis de mise en lumière, au service du chemin de liberté intérieure de chacun.
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