Ce titre ayant visiblement retenu votre attention, aujourd’hui le cuistot vous propose au menu un sujet qui en concernera plus d’un(e) : que faire de sa colère au pays magique des bisounours ?
Avec les présidentielles américaines encore fraîches, les préoccupations climatiques catastrophiques, les différentes injustices dont sont victimes les êtres vivants au quotidien ici et ailleurs, le simple fait d’envisager ces faits de manière consciente a de quoi rendre fou n’importe quel être sensible. À ce stade, vous vous demandez probablement ce que la pratique du yoga a à voir dans l’histoire… un peu de patience.
Il y a quelques années, je suis tombée sur une phrase de Lanza del Vasto qui disait en substance qu’on ne peut pas être un guerrier sans avoir transformé sa colère. La colère est une des émotions fondamentales et fondatrices, elle est même signe d’énergie et de vitalité. Réprimer sa colère, ne pas la reconnaître (les émotions en général) mène en revanche à de sérieux soucis. C’est pourtant ce que la majorité d’entre nous a appris durant l’enfance…Ah oui, il ne faut pas pleurer aussi, n’est-ce pas messieurs ? sic ! Chaque jour, du lever au coucher, les raisons d’être en colère sont effectivement infinies. On peut littéralement passer sa vie en colère, ou quand l’énergie vitale est plus basse, à râler. Combien de gens sont ainsi ? Des milliers, des millions probablement. Cette posture mène-t-elle à des actions constructives pour soi ou les autres ? Rarement, et si des actions sont posées depuis un positionnement intérieur non apaisé, les choix sont souvent peu lucides et de mauvais augure.
De l’autre côté, on a la pratique du « yoga » qui est partout et pour tout le monde de nos jours. Elle n’est plus réservée à une partie de la population, ou à des initiés ayant préalablement prouvé leur motivation ardente à recevoir l’apprentissage. Magazines, vidéos, selfies. À coup d’images paradisiaques, on nous fait miroiter la paix intérieure. Je suis un yogi, tu es un yogi, il est un yogi… et bien sûr il faut parler de l’amour (comment être contre, c’est sûr !). Si bien qu’on peut là aussi tomber dans un positivisme un peu niais qui franchement, ne rend service à personne. Lors d’un échange informel (qui débuta pourtant cordialement) avec une enseignante de yoga, je me suis permise de questionner la démarche d’Amma. Je n’avais foncièrement absolument rien contre Amma, mais je questionne car je considère qu’on a le droit. L’enseignante a réagi immédiatement, très en colère… mais sans répondre à ma question. J’ai ressenti une forme de violence, j’ai avalé cette couleuvre exceptionnellement en attendant d’y réfléchir et de la transformer.
Alors entre colère face à la sècheresse de la vie réelle et pays mirobolant des bisounours yogis sur papier glacé…vous vous sentez un peu en décalage parfois ? Moi aussi. Ce que je connais en revanche, c’est que le fait d’avoir développé une pratique d’ashtanga quotidienne, silencieuse et sincère auprès d’enseignants précieux (surveillez les prochains stages à Yoga Shala…) apaise émotionnellement. Les émotions non digérées stockées dans nos tissus trouvent un lieu d’exploration. Je fais telle pose, l’enseignant m’indique de procéder ainsi, ok je lâche-prise sur ma peur. Là où j’avais peur, je fais à nouveau confiance. Là où j’étais fermé(e), je crée les conditions d’une ouverture. Et j’y retourne, encore et encore, qu’il vente ou qu’il pleuve. Que je sois seul(e), en groupe. Un peu plus de conscience. Du moment où l’on ouvre les yeux le matin, on a le choix (de l’heure du lever, au choix du petit-déjeuner…). Être conscient de soi via l’outil du yoga, ici tout de suite, nul besoin d’aller sur une île paradisiaque. Peu à peu, entre les extrêmes, un espace de stabilité se crée. Le corps tient en équilibre, le mental s’aiguise, la respiration s’amplifie. Le relâchement peut advenir et éventuellement, comme une fleur qui s’ouvrirait, c’est-à-dire tout en délicatesse et en lenteur, un « merci » remplacer le « fuck you », l’action positive remplacer les râleries inutiles, l’amour en acte rompre avec la violence ordinaire.
Du fond du cœur, bon chemin à tous. Vous avez le choix…bien plus que vous ne l’imaginez.
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