Récemment, des personnes m’ont fait cette réflexion à plusieurs reprises : « tu fais beaucoup de choses…mais comment fais-tu ? ». Cela a fini par attirer mon attention car je pense que ce qu’elles voulaient dire était quelque chose du type : « tu fais beaucoup de choses, mais tu as l’air de bien le vivre…mais comment fais-tu ? » Elles ne me parlent pas de la quantité de choses finalement, mais plutôt de mon état final. Ce n’est pas faire qui compte, mais comment on le fait/vit. Vous pouvez posséder la plus belle maison du monde et vous sentir misérable. En d’autres termes, ce n’est pas l’extérieur, mais l’intérieur qui prime. Effectivement, malgré le niveau d’activité, je ne me sens pas stressée. Si l’on considère que mener toute seule un cabinet de psychologie 2 jours et demi par semaine, une salle de yoga le reste du temps, donner des cours hebdomadaires, organiser des stages avec des intervenants extérieurs, suivre des formations régulières en France et à l’étranger, faire le ménage des locaux, la comptabilité, répondre aux mails, écrire un blog, manger avec soin, dormir, avoir une vie personnelle et maintenir une pratique de yoga quotidienne (entre 1h et 2h) constituent une bonne quantité de tâches…alors oui, je fais effectivement beaucoup de choses.
La réalité, c’est que tout commence avec la clarté mentale. Ou son opposé, le brouillard. Vous vous souvenez peut-être de mon article concernant la concentration ? Et bien on parle à peu près de la même chose ici. Toute action juste, efficace, posée dans le monde, est le résultat d’une forme de clarification mentale. Ou au contraire, d’un brouillard. On ne voit pas. On a oublié. On n’y était pas. J’y pensais encore ce matin car une élève adorable est venue en cours alors que la salle était fermée. Elle m’envoyait un sms pour me demander s’il n’y avait pas cours, hors je l’avais signalé dans la dernière newsletter, ainsi que sur la page facebook. L’information est bien là, disponible, mais on n’a pas vu, on n’a pas écouté, on n’y était pas. En soi, on pourrait arguer que ça ne porte pas à conséquence, c’est une seule action. Mais si en fait, car cela parle de la capacité d’observation. De la présence. Et vous le savez probablement, la manière dont on fait une chose reflète souvent la manière dont on fait toute chose. Il n’y a pas de petite situation.
En ce qui me concerne, c’est vraiment la pratique quotidienne de l’ashtanga yoga et de l’assise en silence qui me l’ont apportée, mais j’imagine que toute pratique consciente peut mener à ce type d’expérience de la réalité. Dites vous bien qu’en démarrant le yoga, je n’avais absolument jamais pensé à tout ça. Je n’aurais jamais imaginé passer moins de temps à faire plus de choses (!), et que tout fonctionnerait sans générer aucun stress ! Il me fallait parfois 10 minutes pour rassembler mes idées avant de passer un coup de fil. Je repoussais un peu la paperasse administrative car je ne me sentais pas à l’aise avec. J’avais du mal à passer à l’action…puis quand je démarrais quelque chose, j’avais ensuite du mal à m’arrêter. Les extrêmes sont si faciles…Je relisais plusieurs fois mes écrits. Je perdais du temps, et je n’en avais aucune conscience. Je pensais que les autres étaient mieux lotis, avaient plus de temps probablement.
Je ne peux plus me permettre de perdre de temps à présent. Introduire en moyenne 1h30 de pratique dans sa vie tous les jours quoi qu’il advienne, oblige à quelques réaménagements temporels. On n’a plus le temps de perdre du temps. On aligne corps, souffle et mental. Une inspir ou une expir, un mouvement, un point de fixation du regard, dit la méthode ashtanga. Et à chaque fois la possibilité d’observer : « est-ce que j’y suis là ? »… »est-ce que j’y suis, en entier (corps/souffle/attention)… »est-ce que je me ressens pleinement tout de suite ? ». Être là, en entier pendant 1h30 est une pratique extrêmement avancée qui n’a rien à voir avec les postures qui sont pratiquées. C’est une qualité globale d’attention, de présence. Ça se cultive.
Installé(e) dans cette présence, des phénomènes très intéressants adviennent. Il n’est pas rare qu’un souvenir me revienne subitement en tête, en général quand je pratique le matin seule. Parfois même, quelque chose auquel je n’avais plus pensé depuis des années. Les matins ont cette texture inégalabledont je ne me lasse pas, même si j’adore dormir. En d’autres termes, du contenu devient accessible à la conscience. Encore plus fréquent, des idées nouvelles me viennent en tête et je quitte alors mon tapis en trottinant pour noter dans mon carnet : « faire appel à untel pour tel projet, cela va l’intéresser ; écrire sur tel thème ; acheter ceci/cela ». Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai trouvé sans la chercher la solution sur mon tapis. Comme ça, entre 2 vinyasas ! Quand le brouillard est moins dense, on y voit plus clair. C’est aussi simple que ça. Dans le processus. Les idées sont disponibles, sans effort. Je mets actuellement 10 sec à me rassembler avant de passer un coup de fil, même dans des situations délicates, conflictuelles. Je ne réfléchis plus avant d’arrêter quelqu’un qui parle trop si j’ai quelque chose à faire. C’est un des plus beaux fruits que la pratique m’ait offert. Cette simplicité.
Si vous vous sentez actuellement embrumé(e) dans votre vie, arrêtez vous dès que possible. Même si tout vous invite à continuer aveuglément. Arrêtez vous. Même les jours où vous n’en avez pas envie. Arrêtez vous. Commencez par clarifier, et tout viendra. Le temps est une donnée extensible à souhait.
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