Je rentre tout juste d’un weekend de stage avec une enseignante d’ashtanga mondialement connue. J’ai appris pas mal de choses, par petites touches, comme un tableau impressionniste. Peu à peu, année après année, pratique après pratique, stage après stage, le tableau prend forme, tout comme ma pratique du yoga et de la vie (du moins je mets du cœur à l’ouvrage, c’est déjà ça !).
Hier soir à 21h30, j’en discutais avec des élèves à l’issue du cours d’ashtanga intermédiaire : l’ashtanga n’est pas une méthode « facile ». [Si vous ne pratiquez pas, observez juste la réaction interne immédiate qui est la-nôtre quand on lit cela : « pas facile » est systématiquement associé à désagréable…observez…]. Cela ne veut pas dire que cette méthode ne puisse pas être rendue accessible à tous, ni qu’on n’y prenne pas du plaisir. Vraiment, j’insiste mille fois. Chacun fera du mieux qu’il peut, petit à petit, sexe, âge, morphologie, histoire de vie confondues. Dans un état d’esprit détendu, avec la plus grande bienveillance, dans le respect de soi-même. Mais les challenges vont être nombreux si l’on choisit de s’y immerger pour de bon. Certains achopperont sur la respiration qu’ils mettront du temps à détendre, d’autres sur la concentration, d’autres sur les postures, certains sur la discipline (régularité), d’autres sur la détente. Bref, il y en a pour tous les goûts. Et comme soulignait l’enseignante en question, elle-même tout sauf complaisante (mais agréable), la méthode est justement faite pour cela. Où serait la transformation si le yoga nous poussait uniquement à faire ce que l’on aime déjà et uniquement cela ? Retombant ainsi dans nos schémas automatiques habituels de mettre sous le tapis les choses dans lesquelles nous ne sommes pas à l’aise pour ne répéter que ce qui nous plaît déjà. C’est vraiment passer à côté de l’aspect libérateur de la pratique, ce n’est pas nous rendre service. C’est une illusion qui crée de la souffrance sur le long terme, que l’on en ait conscience ou non.
J’essaie d’observer comme une scientifique le monde qui m’entoure, et volontairement le plus naïvement possible. Je remarque ainsi que la plupart des enseignants qui véhiculent quelque chose d’authentique ne sont pas « gentils », ni complaisants. Ils ne nourrissent pas notre ego mais offrent par contre une guidance des plus utiles au moment opportun, nous permettant alors d’exprimer tout notre potentiel (illimité). Ils ne nous sous-estiment pas (ni l’inverse). La facilité est un piège qui ne rend pas service aux gens. Pourquoi me demanderez-vous ? La réponse tient en une formule : la vie n’est pas facile par nature – que celui qui a une vie sans obstacle (à un moment ou à un autre) lève la main – et nous demande la tâche difficile de tenir en équilibre émotionnel au milieu de changements incessants. Et de se détendre là-dedans. Rien que ça, pfiou !
La pratique agit telle un laboratoire d’expériences qui nous permet d’expérimenter en action tous nos schémas internes pour en être un peu moins esclaves, avec le support du triptyque de la méthode : postures, drishtis, respiration. Pour mettre en lumière ces schémas, ce qui modifie déjà en soi l’expérience qu’on en a. On apprend tellement ! Lors de ce weekend, j’ai vu les zones où j’étais encore fainéante. Je pourrais faire mieux. Je ne me flageole pas avec ça mais c’est un indicateur et ça m’aide à savoir où j’en suis, sans me raconter d’histoires. À partir de là, on pratique, on avance, on se libère, on se discipline, on se renforce. Et miracle, la vie paraît un peu plus facile. Mais la vie n’est pas plus facile, on est simplement devenus plus solides, moins peureux, plus libérés, plus légers, plus responsables, plus ouverts. On a changé.
Un(e) prof de yoga n’a pas à être « gentil(le) ». Bien plus difficile est sa tâche qui consiste à être juste.
Leave a comment