La pratique de l’ashtanga yoga consiste en un système complet et complexe, à plusieurs composantes (Tristana). Quand tous les paramètres sont en place, le pratiquant atteint alors un état de présence particulier, très transformateur sur le tapis et en dehors. Lorsque l’on retire un ou plusieurs de ces paramètres, le système n’est hélas plus opérant du tout. C’est le cas lorsqu’on n’est pas à sa pratique, ou lorsqu’on est mal enseigné. Aucune transformation profonde n’advient.
C’est ce qui se passe lorsqu’un pratiquant me dit de manière très « blasée » (tristesse…) qu’il « plafonne en ashtanga depuis 3 ans« . Le propos était banal, sans aucune gaieté de cœur. Ca m’a fait mal (au cœur). C’est le même cas de figure quand une autre personne me dit se forcer à aller à son cours car elle a payé son abonnement et qu’elle y va au moins pour « s’étirer« . Quelle immense tristesse. Je suis atteinte dans ma sensibilité et surtout…je ne comprends pas. Comment un système aussi bien ficelé a-t-il pu perdre autant de sa substance au fil de la transmission? Aujourd’hui je vais vous parler de toutes ces personnes pensant pratiquer le yoga ashtanga…mais pour qui, malheureusement, la magie n’opère pas.
Un pratiquant assidu d’ashtanga a les yeux qui pétillentquand il parle de sa pratique lorsque celle-ci est bien installée. Cela peut paraître un peu simple, mais tant pis, je maintiens. Une pratique sérieuse et assidue mène à un sentiment de joie très profond. Indicible. Une totale présence et acceptation de l’instant. Comme disait récemment David Garrigues, c’est la responsabilité du pratiquant de construire sa pratique afin de la rendre « magique », belle. Il faut sans cesse chercher (un cours, un prof, un stage, une retraite, un moment pour pratiquer…etc). C’est tout sauf un chemin de passivité.
Ce même pratiquant est empli de curiosité face à ce qu’il va découvrir le lendemain sur son tapis, impatient de retrouver cette connexion au souffle qui le fait bouger parfois presque sans effort, avec souvent la sensation que c’est autre chose qui le dépasse qui le met en mouvement. Malgré les limitations physiques (qui n’en a pas ?), les lourdeurs, les fatigues, l’âge…au-delà de la forme.
Un pratiquant assidu d’ashtanga a très vite compris que dans cette méthode comme dans la vie, l’essentiel se passe au-delà des apparences. Pour cette raison, il est essentiel d’avoir un ou plusieurs enseignant(e)s régulier(e)s. Il apprendra de manière très précise l’enchaînement des postures, tout en ayant conscience qu’elles ne sont qu’une voie d’accès et non une fin. La maîtrise du souffle et les outils de concentration (drishtis, bandhas) constitueront le cœur des choses, de même que la réflexion et les échanges avec l’enseignant(e). On peut en parler longtemps, mais l’essentiel sera toujours de le faire.
Un pratiquant assidu d’ashtanga pratique fréquemment seul et parfois en groupe ou avec un enseignant. Il est indépendant et a rapidement compris que la transformation nécessite une certaine discipline joyeuse. Il ne regrette pas de fournir cet effort de démarrage car en contrepartie, il reçoit énormément. Tout véritable apprentissage mène à une maturité et à une forme de liberté vis-à-vis de l’extérieur.
Le pratiquant d’ashtanga sait dans sa chair à quel point tout est changeant. Chaque jour, le corps lui parle clairement et il s’y adapte avec respect, bienveillance. Il apprend l’humilité et la patience, tout en se découvrant des capacités absolument insoupçonnées. Il trouve un moyen pour pratiquer, qu’il vente, pleuve ou neige. Il sait qu’après, tout sera un peu différent dans sa journée et qu’après des années, c’est sa vie qui sera un peu différente. Voire beaucoup.
Un pratiquant assidu d’ashtanga sait que l’on n’a jamais fini d’apprendre en yoga. La répétition ne lui fait pas peur car à bien y regarder, il y a rarement répétition et il y a toujours à intégrer. Il aborde la pratique avec grand respect. Il sait qu’il ne sait pas grand-chose, même après des années d’étude. Plus il pratique, plus il cultive l’état d’esprit du débutant, jamais lassé. Toujours ouvert. Réceptif.
Un pratiquant assidu d’ashtanga doit ressentir la flamme. Forcément. Autrement il doit revoir soit son intention de départ, soit son engagement dans la pratique, soit son enseignant.
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