Le couillon, c’est moi. Ou toi. Quand après 3 cours de yoga, tu dis à tout ton entourage que tu es « à fond » dedans. Quand tu vides les mots de leur profondeur, c’est-à-dire celle de l’expérience réelle à laquelle ils ne sont qu’une référence. Mais l’expérience réelle, prime. Elle ne ment pas. Elle, elle peut se passer de mots ou d’images. L’inverse n’est pas vrai, mais existe pourtant. Tu penses même faire une formation pour enseigner.
Le couillon, c’est moi ou toi. Quand un enseignant nous ajuste de manière inappropriée, quand le contact de ses parties génitales avec notre propre corps devient clair et scandaleux. Mais c’est peut-être la manière traditionnelle de faire, non ? D’ailleurs, il te met aussi régulièrement une petite tape sur les fesses, qui t’a surpris au début c’est vrai, mais que, dans le doute, tu interprètes comme une marque d’attention. Tu as peut-être des qualités spéciales pour le yoga ? Tu te mets même à rationaliser ce comportement, ou à culpabiliser. Comme pour un viol finalement.
Le couillon, c’est nous. Quand on s’imagine, qu’on se fabrique des images, sur le « monde du yoga ». Il a l’air beau ce monde-là, dans les magazines les profs connus parlent beaucoup d’amour et de joie, de compassion. Toi aussi, sans t’en rendre compte, tu te mets à employer beaucoup plus ces mots-là au quotidien. Sans le remarquer. Et leurs photos sont si lumineuses. Ils sourient, mais juste ce qu’il faut pour avoir en même temps l’air plein de sagesse. Ils ont l’air d’être de vrais gentils, ça te détend de ton quotidien, ça t’évade. Les profs connus sont forcément les plus compétents, sinon comment seraient-ils aussi connus après tout. Aussi te surprends-tu à dire qu’untel est apparemment « très réputé en méditation ». Mais sais-tu seulement à quoi tu fais référence ? Tu préfères éluder la question pour le moment. D’ailleurs tu n’as personne à qui la poser.
Le couillon, c’est nous. Quand on préfère suivre un enseignant qui a un diplôme validé par une certaine tradition alors qu’on voit bien qu’il a également hérité d’un trouble de la personnalité narcissique avec mégalomanie. Il parle beaucoup de lui, de son histoire personnelle, tu le remarques souvent quand même. Mais ce n’est pas grave au fond, car il a le papier tant convoité. Et des gens rient à ses blagues, ils en redemandent. Pas toi pour être honnête, mais avec le temps, ça viendra peut-être ?
Le couillon, c’est encore nous. Quand on pratique dans une douleur physique qui semble quand même pas tout à fait normale, mais que l’enseignant a dit fermement que si on continuait exactement de la même manière, ça finirait par passer. Une petite voix à l’intérieur de toi te souffle que c’est peut-être un peu simpliste, mais après tout, il doit savoir ce dont il parle car il a énormément d’élèves. En plus il est vieux et ça, c’est forcément un signe d’expérience. La validation sociale prime, c’est bien connu.
Le couillon, c’est toujours nous. Quand malgré l’afflux d’élèves dans ton cours de yoga habituel, tu remarques que les tarifs ne cessent d’augmenter. Tu t’es fait la remarque, et à l’intérieur de toi tu sens bien qu’il y a quelque chose qui cloche. En yoga, tu as entendu parler d’une certaine philosophie et approche de la vie. Intuitivement, ça te semble aller dans un sens opposé. Mais tu continues à fermer les yeux car si l’on doit se mettre à réfléchir à tout, la vie deviendrait vraiment compliquée.
Le couillon, c’est encore nous. Quand tu te balades avec un tea-shirt au nom de ton enseignant de yoga. Ou un sac. Ou un mug. Ou un magnet à poser sur le réfrigérateur. Tu as trouvé ça vraiment sympa qu’on te le donne gratuitement l’autre fois. Mais une fois chez toi, tu t’es quand même demandé si tu ne t’étais pas fait un peu instrumentaliser. Tu leur fais de la pub gratos après tout et là encore, tu te demandes si ça ne va pas dans un sens opposé à une démarche de liberté. En même temps, tu as le choix de le porter ou non. Punaise, tu es tiraillé(e) dès que tu te mets à réfléchir, c’est pénible et inconfortable.
Le couillon, c’est moi. Le couillon, c’est toi. Quand on refuse de voir et que l’on préfère continuer à croire. Par facilité ou par peur d’être seul(e). C’est pourtant là que tout commence. Parfois, tu aurais quand même envie d’essayer. Pour voir.
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