Avant de démarrer cette lecture, dites-vous bien quelque chose : je n’ai rien à vendre et je ne cherche à vous convaincre de rien. Cet article est simplement un partage d’expérience et je vous souhaite de faire votre chemin. Comme me le disait une personne chère récemment : « en fait dans la vie, on fait ce qu’on doit faire avec les gens qui le veulent bien ». Effectivement. Aujourd’hui je vais donc vous parler des raisons pour lesquelles je pratique l’ashtanga yoga quotidiennement et de la manière dont cela a profondément impacté ma vie : je me tiens debout et je compte bien le rester.
Pour commencer, cette pratique m’oblige à m’occuper de mon corps de manière profonde, à le sentir chaque jour : « salut hanche gauche, quoi de neuf aujourd’hui ? ». Je l’accueille tel qu’il est et non tel que j’aimerais qu’il soit. Si c’est lourd, raide, souple, léger, blessé, j’accueille et je m’adapte. Mais je pratique. Cela paraît tout bête à dire pour qui n’a jamais vraiment travaillé son corps de manière aussi systématique, mais croyez-moi c’est une sacrée épreuve d’humilité. Les choses ne sont pas comme on voudrait qu’elles soient…« Bienvenue sur la voie » (A. Desjardins). C’est une pratique « les pieds sur terre », idéale pour les gens qui comme moi, se perdaient à refaire le monde mentalement.
On se situe là à un niveau assez profond de l’expérience et non à des histoires de tour de taille. Cette pratique posturale et respiratoire n’a jamais été chose facile. Pour être totalement honnête, absolument TOUT était difficile physiquement parlant la première année, en particulier tout ce qui concernait la souplesse. Je ne pouvais pas tenir un « Chien vers le Bas » 5 respirations sans mettre genoux à terre. Mon corps n’était pas de bois, mais d’acier. Pendant un à deux ans, je n’ai vu AUCUN progrès physique significatif (pratique 4 à 5 fois par semaine). Je n’étais encouragée par personne…alors pourquoi continuais-je me direz-vous ? C’est une très bonne question et voici la réponse : je me suis sentie accueillie telle que j’étais dans l’espace du yoga, ce qui me provoquait de la joie intérieurement et j’ai entraperçu un lieu où je pouvais déployer mon courage, ma persévérance et travailler sur moi à un autre niveau. Et sans jugement. Car si aucun progrès physique ne se rendait visible, en revanche je sentais une foule de choses à l’intérieur de moi. De plus en plus. Ma respiration se modifiait, mon mental était plus calme et pendant ma relaxation finale dont j’ai toujours pris grand soin, je « pulsais » de l’intérieur avant de me rafraîchir. Je me sentais à chaque fois nettoyée, probablement des tensions accumulées au cours d’une existence qui avait démarré de manière particulièrement chaotique.
L’ashtanga est une méthode assez codifiée puisque les postures s’apprennent dans un ordre précis et qu’il n’y a pas de raccourci. On apprend au fur et à mesure, on ne peut pas « avancer » plus vite que la musique. Il n’y a rien de glamour là-dedans (ni de moche), mais c’est toute la différence entre un divertissement et une pratique de yoga. Chaque jour j’apprends « dans ma chair » à apprécier cette pratique qui m’est si utile. Il y a ce dont on a envie…et ce dont on a besoin. Je conseillerais de démarrer la journée par le deuxième point. Bien souvent, l’on entend dire que cette méthode est ennuyeuse car les séries de postures sont fixes justement. Pour moi, ce fut complètement libérateur, cela me ramène toujours à « ici et maintenant ». Quand j’étudiais les lettres et la poésie, on nous racontait que la contrainte du vers poétique ouvrait à un espace de création et d’expérimentation. Les séries sont fixes et c’est l’enseignant qui rajoute les postures, ce qui dégage l’élève qui retrouve alors la liberté de se concentrer sur son ressenti, sur le moment présent, la respiration, l’énergie. Je n’ai jamais connu deux pratiques identiques et je ne m’ennuie jamais, j’apprends toujours quelque chose sur mon état du moment, ce qui m’aide à me situer dans le monde et dans mes relations interpersonnelles. Ma pratique quotidienne est ma boussole. Quand je pratique, le principal effort que je dois fournir est de m’y mettre, je ne suis pas disciplinée de nature, je le suis devenue. En toute bienveillance, je ne me laisse plus le choix et je ne l’ai jamais regretté.
Je me suis donnée la chance d’aller en Inde une première fois et j’ai capté très vite comment travailler avec ma respiration. Cela a TOUT changé, j’ai lâché prise sur l’aspect physique de la pratique. Peu importe ce que ça « donne » de l’extérieur, je veux passer un bon moment respiratoire et méditatif avec moi-même. On veut que l’inspiration et l’expiration soient de la même longueur. On ne veut pas forcer le souffle. Le mouvement est initié par le souffle. On veut être conscient à chaque instant de sa respiration. Lever les blocages. Et là, magie : je sentais du mouvement dans mon corps d’acier, des étirements advenaient, consécutifs à la chaleur interne provoquée, l’énergie circulait. Là encore, cela paraît presque idiot dit comme ça, mais ça ne l’était pas car je me suis rendue compte dans ma chair que ce que je m’étais toujours raconté était faux : j’étais capable de souplesse. Ce simple petit changement a amené la question suivante : de quoi d’autre suis-je capable ? Je ne pense plus que comme ça. Comme dirait Jean-Louis Étienne qui a marché seul sur la banquise pendant 63 jours pour atteindre le pôle Nord : « On ne repousse pas ses limites, on les découvre ».
Après quelques mois de pratique du souffle et de concentration, mes réactions émotionnelles s’étaient déjà un peu modifiées. Le yoga ashtanga sollicite le système nerveux en le renforçant, en l’équilibrant, telle est mon expérience (et pas que la mienne heureusement). C’est une pratique qui pose, qui ancre dans la réalité. À quoi cela sert-il me direz-vous ? Pour vous répondre, je vais prendre le détour d’une anecdote de la « vraie » vie : je suis au service des impôts, j’attends depuis 40 minutes et j’ai un cours dans 30 minutes. Un employé me reçoit et tandis qu’il jette un regard que j’interprète comme dédaigneux sur mon jogging (je suis entre deux cours), je lui explique les raisons de ma venue et j’attends ses lumières. Au lieu de cela, l’homme démarre au quart de tour et me hurle dessus sur fond de discours dramatisant : « Mais vous vous rendez compte que ce papier était très très important !!!! ». Oui, c’est pour ça que je suis là, mon activité professionnelle est en jeu. Armé d’un feutre Weleda, il dégaine alors un tableau et me trace les lignes d’un schéma auquel je ne comprends rien. C’est le pire pédagogue de tous les temps et je tends à penser qu’il fait même un peu exprès. Mon cœur bat rapidement et alors que je lui renvoie que ce n’est pas clair, qu’il doit me réexpliquer s’il-vous-plaît, il se poste debout, la main sur la poignée de la porte attendant mon départ. Intérieurement j’observe celui que je considère comme décentré et je lui dis calmement : « Monsieur, je ne bougerai pas de ce siège sans avoir noté comment régler ce problème. » Silence. « Je ne bougerai pas, tout simplement ». Et je souris (même si mon cœur bat toujours vite) car j’ai fait ma pratique, je me sens solide intérieurement et je ne bougerai pas. Vraiment. Et je n’ai pas peur.
Je remercie tous mes enseignants pour leur patience et pour leurs enseignements. Quand à notre bonhomme, il a été forcé de se rasseoir pour m’expliquer comment résoudre mon problème. Pratique, patience, persévérance. Yoga.
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