Il y a quelques mois, j’ai vécu une expérience qui a changé complètement ma manière d’appréhender ma pratique de yoga, et la vie en général. Je me suis blessée. Jusque-là, hormis une tendinite à l’épaule dans mes débuts en tant qu’enseignante, j’étais plutôt « bénie ». Je ne m’étais JAMAIS fait mal. Alors bien sûr, il m’arrivait d’avoir des courbatures absolument partout après des pratiques de 2h30 (ah l’ashtanga…). Mais ça n’était pas vraiment un souci, des sensations tout au plus. Les bénéfices étaient tels à tous les niveaux, que ce n’était qu’un détail auquel je m’étais habituée les années passant. Quelques temps avant que la blessure n’arrive, je m’étais encore fait la réflexion : « waou, je dois vraiment pratiquer comme il faut, je ne me suis jamais blessée ! ». J’aurais dû prendre cette pensée comme un signe…
Je vous passe les différentes phases de déni autour de la douleur, ou de désespoir par lesquelles je suis passée, ça a duré des mois. J’ai beaucoup songé aux sportifs qui se blessent et à quel point ça doit être difficile pour eux, physiquement et psychologiquement. Certains jours, même monter un escalier fut douloureux. J’ai continué à pratiquer….pour continuer à enseigner. « Si je ne peux plus utiliser mon corps, je ne peux plus travailler, donc je n’ai plus rien pour vivre », pensais-je. J’ai essayé de continuer de sourire. Un peu crispée. Qu’est-ce que la vie veut me dire par là ?
Et puis l’année de cours s’est arrêtée. Je me suis (enfin) posée et j’ai consulté à plusieurs reprises différents praticiens. L’affaire semblait complexe, contradictoire parfois. Leurs interventions me soulageaient, de quelques heures à quelques jours. Je repratiquais dans l’entre-deux. Et j’avais mal à nouveau. Échec. Pour la première fois, je n’ai pas pu allée voir mon enseignant en Italie alors que le voyage était prévu depuis des mois. La décision ne fut pas aisée à prendre. Sur le coup, mon mental me laissait croire que ma vie en dépendait presque. Le yoga est effectivement toute ma vie. C’est la base, le socle qui rend possible tout le reste. Et le constat était frappant : j’étais particulièrement attachée à la pratique posturale…
Au cours de ces mois, j’ai beaucoup observé, réfléchi. Nous sommes dans une relation avec notre pratique…mais quand commence la dépendance ? Je repensais aux paroles de mon enseignant : « enthousiasme oui, fanatisme non ». Ok Lino Miele. Je fais référence ici à une pratique de chaque jour ou presque, à un engagement sincère de la personne dans cette voie.
Passée la lune de miel qui dure en général quelques mois (et qui était terminée depuis un bon moment), on passe par différentes phases. Celles où l’énergie est là, la pratique « décolle ». Les phases où il ne se passe rien de particulier, on s’ennuierait presque tiens. Les phases où l’on lutte pour nourrir cette relation. Les phases où l’on en parle à tout le monde : « tu verras, le yoga c’est génial ! ». Puis à plus personne : « pfff, ils ne comprennent rien ». Les phases où l’on pratique de manière automatique, en panne d’inspiration. Les autres où l’on se sent tellement connecté(e)s, transformé(e)s que « ça se voit de l’extérieur ». Bref, on mûrit, comme au sein de toute relation.
Ma pratique suite à ma blessure s’est considérablement élargie, à vrai dire j’ai tout repensé. Certains jours je sentais que j’avais plutôt besoin d’une marche en extérieur, ça devenait mon yoga. D’autres je méditais plus longtemps. D’autres, j’avais envie de nager. Parfois, une urgente envie d’écrire. De dormir. De cuisiner. Je faisais tout cela en essayant de sentir : « qu’est-ce qu’il me faut là tout de suite pour rétablir l’équilibre ? ». Ca a tellement bien marché que j’ai fini l’été par un stage où j’ai tranquillement avancé dans la série intermédiaire d’ashtanga. J’avais toujours mal, de manière un peu imprévisible d’ailleurs, mais je composais avec…une jambe derrière la tête et le front en sueur. Détendue de l’intérieur, plus de désespoir en tous cas et surtout la conscience que ma vie ne dépend pas seulement de ma pratique. Ma vie est ma pratique. Pour la première fois en plusieurs années, j’ai même passé plusieurs jours sans pratiquer de postures. Juste pour voir. Bon honnêtement ça n’a jamais duré plus de 4 jours. Mais c’était une nouveauté pour moi. Et si en fait, j’avais peur quand j’arrêtais ? Peur de retomber dans les vieux schémas mentaux ? Peur de me sentir stressée à nouveau ? Au final, rien de tout cela ne s’est passé, puisque j’ai modifié, élargi ma pratique à toute ma vie. Je me suis considérablement assouplie…mentalement. J’ai repensé à mon enseignant (et oui…) : « you have to play with your life ». Vous devez jouer avec votre vie. Et avec votre pratique. Ne prenez pas tout ça trop au sérieux…mais pratiquez sérieusement. Tous les jours.
Tout va bien se passer, le yoga est toujours là.
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