Je bénis chaque jour le ciel d’avoir grandi à la campagne auprès de personnes âgées. Alors bien sûr, cela n’a pas été toujours le cas, très (très) loin de là. Je me suis ennuyée à mourir pendant des années à regarder pousser les radis, à attendre que mes grands-parents aient fini leurs siestes pour qu’on puisse enfin « faire » quelque chose. Que je puisse brûler l’énergie que j’avais de disponible et croyez-moi, il y en avait. La lecture, ça allait 5 minutes !
Faire, faire, faire…avec l’entrée dans la vie professionnelle – les périodes de chômage y compris – la courbe s’est inversée. Je suis passée d’un trop peu, d’un vide de faire, à un trop-plein. De tâches, de stress. Quand on est une femme motivée et indépendante en 2016, « il faut » : travailler d’arrache-pied chaque jour, être performante dans le respect de l’éthique (même lorsqu’on ne nous donne pas les moyens de l’appliquer…aka burn-out à l’arrivée), avoir fait des études, continuer à se former, savoir prendre la parole devant un groupe, savoir s’imposer (le monde du travail n’est pas toujours très tendre), être bien apprêtée (habits, maquillage, et compagnie), avoir un intérieur soigné, une famille, repasser, cuisiner, savoir réparer une voiture (c’est mieux), savoir gérer un budget, les tracas administratifs, bricoler, rendre régulièrement visite à sa famille…bref, la liste est longue. Et je ne parle même pas d’avoir des enfants ni de monter une entreprise.
Notre société valorise tout ce qui est du domaine de l’énergie centrifuge, en d’autres mots, être dehors, être avec les autres, être dans l’action, paraître, faire ceci, faire cela. Mais cette conception de la vie que l’on veut bien nous faire passer est complètement déséquilibrée. A quel(s) moment(s) et comment se recharge-t-on ?
Il est temps d’être honnête, il faut souvent être un peu rebelle pour trouver les moments et les outils. Que ce soit lorsque l’on est une femme (elles portent beaucoup de choses !), ou un homme (leur apprend-on vraiment à prendre soin de leur énergie ?). Il ne s’agit pas de faire une crise d’adolescence vis-à-vis du système ou d’être rebelle, telle une posture que l’on se donnerait. C’est une réalité. Le fait de se recharger est vu comme une faiblesse quoi qu’on en dise. C’est probablement une des plus grandes aberrations qui soient. Comme toute illusion, elle ne passe pas l’épreuve de la réalité. C’est rassurant au fond.
Au-dessus de nos petites sociétés et de leurs valeurs étroites, il y a « la vie ». Appelons-ça comme ça. Et la vie, elle, est juste. Tout comme le corps. Ils ne mentent pas. Tirez un peu trop sur la corde de la santé, et vous tomberez malade. Stressez vos salariés de manière inutile et votre entreprise connaîtra du turn-over. Soyez mentalement trop mou, et vos projets n’aboutiront pas. Faites l’autruche vis-à-vis de vos émotions et vous les projetterez sur les autres sous forme de relations interpersonnelles insatisfaisantes. Je maintiens, la vie est juste.
Il devient plus qu’urgent de nos jours de définir la force comme ce qu’elle est vraiment. La pratique quotidienne et disciplinée du yoga m’a appris cela. Dans ma chair. Être fort(e) est probablement ce que la vie nous demande sans cesse. Être là pour soi, persévérant, régulier…dans un état d’esprit détendu. Tout à la fois, même les jours où l’on n’a pas envie (surtout eux). Waou. L’apprentissage de l’écoute de soi. Recharger les batteries quand c’est nécessaire et les utiliser quand c’est utile. Ne pas faire peser sur les autres le poids de nos frustrations. Travailler sur soi. Remonter sur le ring quand on est dans l’état adéquat. Ou pas. Car y-a-t’il vraiment un ring ? Je ne suis pas sûre que cette conception offensive de la vie ait vraiment quelque chose à voir avec la réalité. Être fort a souvent plus rapport avec la capacité à accepter, à faire la paix avec ce qui est, plutôt qu’à lutter. Rien à voir avec le fait d’être passif, mais bon sang, certaines choses sont ce qu’elles sont (le passé surtout) et il va falloir faire avec. Notre capacité d’action réside dans l’espace restant, si ténu soit-il au démarrage. Il en est de même pour la gestion de l’énergie que pour celle de l’argent.
J’écris ce texte alors que j’avais de grands projets pour ma journée, beaucoup de tâches à effectuer. Mais voilà, je suis une femme et c’est le 1er jour de mes règles (sujet tabou par excellence). Résultat, 3 heures de douleurs dont je me relève à peine. A quoi bon s’agacer ? J’ai pratiqué des respirations en position allitée. Quand j’ai pu ramper jusqu’à la salle de bain, j’ai fait couler un bain chaud. Je n’ai pas lutté, je me suis adaptée à ce qui est, mon mental en paix avec ces douleurs. Je serai plus efficace ensuite. Être une femme n’est pas facile tout le temps. Je prends soin de mes douleurs, comme si elles étaient un trésor (pas évident). Ce n’est pas un échec, c’est la vie. Ce qui est, est.
J’ai hâte du moment où l’on valorisera autant le fait de faire la sieste que de travailler d’arrache-pied. Où l’on admirera un homme qui prend le temps de pratiquer du yoga. Où l’on respectera une femme qui délègue les tâches ménagères car elle a besoin de se reposer. Où l’on valorisera un enfant car il n’a pas touché au smartphone de ses parents depuis 2 jours.
Pour ma part, je vais tenter de me mettre debout et qui sait, je pourrais bien faire pas mal de choses aujourd’hui finalement ! Allez,que la force soit avec vous.
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