Entrepreneur(e) : ce que j’ai appris

          Je n’avais JAMAIS envisagé travailler à mon compte. Ce n’était ni dans ma culture familiale, ni dans mon paysage mental du plus loin que je me souvienne. On était salariés et puis c’est tout. Je savais que des gens faisaient ce truc lointain, mais je ne me suis JAMAIS sentie concernée. Dans ma représentation du travail, l’on devait se faire entrer dans une case qui nous attendait quelque part et il s’agissait de trouver la meilleure (ou la moins pire) pour soi. Le problème est arrivé quand après avoir décroché plutôt brillamment la fameuse case dorée…je ne m’y suis pas du tout sentie bien, et très rapidement. Les semaines et les mois se sont égrainés et un jour j’ai eu une vision nette, dans un état entre la veille et le sommeil : j’allais tomber malade si je continuais. Peut-être pas tout de suite, mais dans 5 ans, 10 ans. Je l’ai su, je l’ai vu, tout simplement.

          Je passe les nuits d’insomnies, les réveils en sueur, les attaques de panique, la calculatrice sur la table de nuit, l’enfer que je faisais vivre à mon conjoint…la démission finalement, les pleurs. Ceux de l’équipe, les miens. Je suis partie la queue entre les jambes. Le sentiment d’échec. IMMENSE. La solitude. IMMENSE. Encore une fois, je ne peux pas me contenter. Je ne suis pas comme les autres. Je ne rentre dans aucune case. Je suis bizarre. J’ai tout gâché. Probablement. Aujourd’hui, je vais partager avec vous ce que j’ai appris de 4 années d’entreprenariat depuis la position de quelqu’un qui commence avec…absolument RIEN. Ni argent (rappelez-vous, j’ai démissionné…). Ni confiance en soi. Ni plan. Ni connaissances du milieu. Ni réseau. RIEN.

          Après 4 années de travail à mon compte, de multiples bas, voici les qualités que je juge indispensable pour un entrepreneur, quel qu’il/elle soit : (NB : elles ne sont pas nécessairement présentes au démarrage mais devront se développer)

retour sur mon parcours
  1. Être stable émotionnellement.

Avec les nombreuses surprises que l’on subit lorsque l’on entreprend (problèmes avec l’administration, charges qui nous attendent au tournant dès la première année, problèmes de trésorerie si l’on n’a pas de capital de départ, moments creux dans l’année, difficultés personnelles/familiales qui peuvent se surajouter), il faut tenir debout émotionnellement. Honnêtement si je n’avais pas eu ma pratique quotidienne d’ashtanga, ça fait longtemps que j’aurais mis la clé sous la porte. Elle a été la pierre qui a soutenu tout l’édifice quand rien ne se passait comme je le voulais. Je me souviens encore de cet épisode où l’URSSAF a fait une « erreur » et a prélevé 2 fois le montant de mes charges annuelles. À découvert, pleurant sur le parking de l’administration, une employée est venue m’apporter un mouchoir car elle ne pouvait pas me rembourser. Non, ils ne remboursent pas, ce sera défalqué sur le reste de l’année. Sauf qu’en attendant, pour le petit patron…c’est dur dur.

  1. Être obsessionnel.

Tous les entrepreneurs que j’ai rencontrés pensent à leur activité 24h sur 24, surtout les premières années. C’est difficile à vivre pour la famille à côté. Ça peut mener à des séparations, ça a été mon cas. Si l’on démarre seul sans capital de départ (ce que je ne vous souhaite pas, c’est vraiment la misère…), on n’a pas d’autre choix. Il faut mettre toute son énergie dans le développement de son activité, c’est sans arrêt, c’est vital. L’intention doit être forte. La pression financière est énorme car si l’on investit trop peu, on va faire quelque chose de naze et donc on n’aura pas de retour…et en même temps on ne peut pas investir beaucoup car on n’en a pas la capacité. La fine ligne qui sépare les deux est parfois un casse-tête terrible. Dès que vous le pouvez, essayez de vous changer les idées, en sachant que parfois, on continuera à réfléchir en faisant son activité préférée !

  1. Être très organisé.

Là ce que j’ai remarqué, c’est qu’il y a vraiment des différences « de nature » entre les gens. Si vous savez que vous avez un tempérament très contemplatif et avez déjà du mal à vous organiser dans votre vie personnelle, je vous conseille de bien réfléchir avant d’entreprendre. Ça ne pardonnera pas, peu importe l’activité. Être très autonome dans l’organisation de son temps et de son espace, dans le tri de ses papiers, la tenue de sa comptabilité, la ponctualité aux rdvs…c’est sur vous que tout repose. Vous devez savoir être stable, clair, fiable et réactif. Vous paierez vos flous, d’une manière ou d’une autre. Il faudra probablement regarder vos emails plusieurs fois par jour, répondre le weekend, vérifier vos comptes bancaires au quotidien. Il faudra avoir une bonne mémoire, et une excellente capacité de concentration. Faire des tâches pour lesquelles vous n’aviez aucune compétence (ex : tenir son livre de comptabilité soi-même, créer un site Internet, une page Facebook, devenir un pro du ménage de vos locaux, du bricolage…). Il faudra TOUT faire. Vous serez le premier arrivé et le dernier couché.

  1. Être humble.

Pour cette qualité aussi, c’est l’expérience qui façonnera la personne. Cependant, tous les entrepreneurs que j’ai rencontré et qui ont réussi à faire ce qu’ils souhaitent, sont des gens très simples. Si l’on est autodidacte, on sait la force qu’il faut pour tenir tout seul pendant les années de galère. Alors on restera modeste. Si un succès est au rdv, on se réjouit tout en restant ancré. En cas d’échec, on reste stable également. On est habitués aux fluctuations et uniquement concentré sur ce que l’on a à faire. Quel est le prochain pas. C’est tout. On ne s’identifie pas excessivement aux échecs et aux succès.

  1. Avoir une bonne compréhension de la psychologie humaine.

Même en travaillant à son compte sans employé(s), on sera forcément en contact avec d’autres personnes. De l’administration, ou des collègues dans la même situation que soi. Cela demande une maturité émotionnelle et psychologique pour entretenir des relations les plus saines possibles. Parfois on sera perplexe vis-à-vis de certains comportements et avoir fait un travail sur son propre fonctionnement sera aidant pour ne pas réagir à l’émotionnel. Quand je me suis faite virer par email du premier studio de yoga où j’ai travaillé, j’ai beaucoup appris. Ça reste une des expériences les plus lâches que je n’ai jamais connues. Une des plus instructives aussi. Depuis, je ne travaille qu’avec des gens avec qui mon intuition dit un grand « oui ». Je n’ai jamais eu aucun souci depuis ce temps, je travaille dans un bain de confiance que j’ai contribué en partie à créé. Parfois, je dis « non ». Travaillez avec des gens avec les mêmes valeurs que vous, autrement vous le regretterez. Préférez être seul(e) plutôt que mal accompagné(e). C’est très dur. Apprenez à être à l’aise avec votre propre solitude, ce sera une étape incontournable qui demande de lâcher ses peurs. Et bien, faites-le.

Si l’entreprenariat était une fable de La Fontaine, sa morale serait qu’une réussite à long terme repose quasiment uniquement sur les qualités de son entrepreneur, sur sa force, sa curiosité, son imagination pour résoudre les problèmes, son enthousiasme à faire quelque chose en lequel il croit, à son sens de la justice dans les relations et le commerce…bien plus que sur un quelconque avantage financier au départ.

« L’argent vient-il comme il s’en va ?

Je n’y touchais jamais. Dites-moi donc, de grâce,

Reprit l’autre, pourquoi vous vous affligez tant,

Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent :

Mettez une pierre à la place,

Elle vous vaudra tout autant. »

(L’avare qui a perdu son trésor, La Fontaine)

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